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Découvrir ce dont elle est capable. Mais dêtre si importante, si grave, sa coquetterie a perdu toute légèreté, elle est forcée, voulue, excessive. Léquilibre entre la promesse et labsence de garantie en quoi réside précisément lauthentique virtuosité de la coquetterie! en est rompu. Elle est trop prompte à promettre sans montrer assez clairement que sa promesse ne lengage à rien. Autrement dit, tout le monde la croit extraordinairement facile. Et ensuite, quand les hommes réclament laccomplissement de ce qui leur semblait promis, ils butent sur une résistance soudaine quils ne peuvent sexpliquer que par la cruauté raffinée de Tereza. Il fait froid dehors, dit Sabina. Je vais te prêter un bas! Elle lui tendit un long bas blanc résille à la dernière mode. Il savait fort bien que cétait une vengeance. Elle avait caché sa chaussette pour le punir davoir regardé sa montre pendant lamour. Avec le froid quil faisait, il ne lui restait plus quà se soumettre. Il rentra chez lui et il avait une chaussette à une jambe, à lautre un bas blanc de femme roulé sur la cheville. Sa situation était sans issue : aux yeux de ses maîtresses il était marqué du sceau infamant de son amour pour Tereza, aux yeux de Tereza des stigmates de ses aventures avec ses maîtresses. To avoid being denied access, log in if youre a ResearchGate member or create an account if youre not. Saisissez les caractères que vous voyez ci-dessous négatif-Chose curieuse, cette mutation ne nous surprend pas. Nous serions au contraire indignés si Beethoven était passé du sérieux de son quatuor à la blague légère du canon à trois voix sur la bourse de Dembscher. Pourtant, il aurait agi tout à fait dans lesprit de Parménide : il aurait changé du lourd en léger, donc du négatif en positif! Au début, il y aurait eu sous forme desquisse imparfaite une grande vérité métaphysique et à la fin comme œuvre achevée la plus légère des plaisanteries. Seulement, nous ne savons plus penser comme Parménide. Je crois quau fond de lui Tomas sirritait depuis déjà longtemps de cet agressif, solennel et austère es muss sein! et quil y avait en lui un désir caché de changer le lourd en léger selon la démarche de Parménide. Souvenons-nous quil lui avait jadis suffi dune minute à peine pour refuser de jamais revoir sa première femme et son fils et quil avait appris avec soulagement que son père et sa mère avaient rompu avec lui. Etait-ce autre chose quun geste soudain et pas tellement rationnel par lequel il repoussait ce qui voulait saffirmer à lui comme une obligation pesante, comme un es muss sein!? Evidemment, il sagissait alors dun es muss sein! extérieur, imposé par les conventions sociales, tandis que l es muss sein! de son amour de la médecine était une nécessité intérieure. Justement, cétait encore pire. Car limpératif intérieur est encore plus fort et nincite que plus fortement à la révolte. Etre chirurgien, cest ouvrir la surface des choses et regarder ce qui se cache au-dedans. Ce fut peut-être ce désir qui donna à Tomas lenvie daller voir ce quil y avait de lautre côté, au-delà de 1 es muss sein! ; autrement dit : daller voir ce qui reste de la vie quand lhomme sest débarrassé de tout ce quil a jusquici tenu pour sa mission. Pourtant, quand il vint se présenter à laffable directrice 28 Dès quil reçut le télégramme du président de la coopérative, il enfourcha sa moto et se mit en route. Il se chargea de lenterrement. Sur le monument, il fit graver au-dessous du nom de son père cette inscription : Il voulait le Royaume de Dieu sur la terre. Il savait bien que son père naurait jamais employé ces mots-là pour exprimer cette idée. Mais il était certain que ces mots exprimaient exactement ce que voulait son père. Le royaume de Dieu signifie la justice. Tomas avait soif dun monde où régnerait la justice. Simon na-t-il pas le droit dexprimer la vie de son père avec son propre vocabulaire? Nest-ce pas depuis des temps immémoriaux le droit de tous les héritiers! Après un long égarement, le retour, peut-on lire sur le monument funéraire de Franz. Cette inscription peut être interprétée comme un symbole religieux : légarement dans la vie terrestre, le retour dans les bras de Dieu. Mais les initiés savent que cette phrase a aussi un sens tout à fait profane Dailleurs, Marie-Claude en parle quotidiennement : Franz, ce cher, ce brave Franz, na pas supporté la crise de la cinquantaine. Il est tombé dans les griffes dune pauvre fille! Elle nétait même pas jolie vous avez remarqué ces énormes lunettes derrière lesquelles on la voit à peine. Mais un quinquagénaire nous le savons tous! vendrait son âme pour un morceau de jeune chair. Seule sa propre femme peut savoir comme il en a souffert! Pour lui, cétait une vraie torture morale! Parce que Franz, au fond de son âme, était un homme honnête et bon. Comment expliquer autrement 7 Elle rentra à la maison, déjeuna sans appétit debout dans la cuisine. A trois heures et demie, elle mit sa laisse à Karénine et gagna avec lui toujours à pied lhôtel où elle travaillait dans un quartier périphérique. Quand on navait plus voulu delle au journal, elle avait trouvé une place de barmaid. Ça sétait passé quelques mois après son retour de Zurich ; finalement on ne lui avait pas pardonné davoir photographié les chars russes sept jours durant. Elle avait obtenu cette place grâce à des amis : des gens qui avaient perdu leur travail à peu près au même moment quelle y avaient aussi trouvé refuge. A la comptabilité il y avait un ancien professeur de théologie, à la réception un ancien ambassadeur. Elle avait de nouveau peur pour ses jambes. Autrefois, quand elle travaillait en province comme serveuse, elle observait avec effroi les mollets de ses collègues, qui étaient couverts de varices. Cétait la maladie de toutes les filles de salle, qui passaient leur vie à marcher, à courir, ou debout, les bras lourdement chargés. Le travail était quand même moins pénible quautrefois en province. Avant de commencer son service, il lui fallait sans doute porter de lourdes caisses de bouteilles de bière et deau minérale, mais le reste du temps elle se tenait derrière le comptoir, versait des alcools aux clients et, dans lintervalle, rinçait les verres dans un petit évier installé à lextrémité du bar. Karénine restait patiemment couché à ses pieds pendant tout son service. Il était minuit passé quand elle termina ses comptes et remit largent au directeur de lhôtel. Ensuite elle alla dire au revoir à lambassadeur qui était de service de nuit. Derrière 9 Un adolescent vint sasseoir au bar sur un tabouret inoccupé. On lui aurait donné seize ans. Il prononça quelques phrases provocantes qui sincrustaient dans la conversation comme sincruste dans un dessin le faux trait quon ne peut ni continuer ni gommer. Vous avez de jolies jambes, dit-il. Elle se rebiffa : Comme si on les voyait à travers le bois du comptoir! Je vous connais. Je vous vois dans la rue, expliqua le jeune homme. Mais Tereza sétait éloignée et soccupait dautres clients. Il commanda un cognac. Elle refusa. Je viens davoir mes dix-huit ans, protestait ladolescent. Alors, montrez-moi votre carte didentité! Pas question, répliqua ladolescent. Très bien! Prenez une limonade! Sans mot dire, ladolescent se leva de son tabouret et sortit. Au bout dune demi-heure environ, il revint et retourna sasseoir au bar. Il faisait de grands gestes flous et son haleine puait lalcool à trois mètres à la ronde. Une limonade! Vous êtes ivre! dit-elle. Ladolescent montra un écriteau accroché au mur derrière Tereza : Il est expressément interdit de servir des boissons alcoolisées aux mineurs de moins de dix-huit ans. Il vous est interdit de me servir de lalcool, dit-il, désignant Tereza dun grand geste de la main, mais il nest écrit nulle part que je nai pas le droit dêtre soûl. 19 Depuis cinq ans que larmée russe avait envahi le pays de Tomas, Prague avait tellement changé : les gens que Tomas croisait dans la rue nétaient plus les mêmes quavant. La moitié de ses amis avaient émigré et la moitié de ceux qui étaient restés étaient morts. Cest un fait qui ne sera consigné par aucun historien : les années qui ont suivi linvasion russe ont été une période denterrements ; jamais les décès nont atteint une telle fréquence. Et je ne parle pas seulement des cas somme toute assez rares où des gens ont été traqués à mort comme la été Jan Prochazka. Quinze jours après que la radio eut commencé à diffuser quotidiennement lenregistrement de ses conversations privées, il fut hospitalisé. Tout à coup, le cancer qui sommeillait sans doute discrètement dans son corps depuis quelque temps avait fleuri comme une rose. Lopération eut lieu en présence de la police et quand celle-ci eut constaté que le romancier était condamné, elle cessa de sintéresser à lui et le laissa mourir dans les bras de sa femme. Mais la mort frappait aussi ceux qui nétaient pas directement persécutés. Sinfiltrant à travers lâme, le désespoir qui sétait saisi du pays semparait des corps et les terrassait. Certains fuyaient désespérément devant les faveurs du régime qui voulait les combler dhonneurs et les contraindre à paraître en public en présence des nouveaux dirigeants. Cest comme ça que le poète Frantisek Hrubine est mort, en fuyant lamour du Parti. Le ministre de la Culture, auquel il avait tenté de toutes ses dernières forces déchapper, le rattrapa dans son cercueil. Il prononça sur la tombe un discours où il était question de lamour du poète envers lUnion soviétique. milan kundera une rencontre download To avoid being denied access, log in if youre a ResearchGate member or create an account if youre not. milan kundera une rencontre download 11 Beaucoup plus que cette carte de visite quil lui a tendue au dernier moment, cest cet appel des hasards le livre, Beethoven, le chiffre six, le banc jaune du square qui a donné à Tereza le courage de partir de chez elle et de changer sa vie. Ce sont peut-être ces quelques hasards dailleurs bien modestes et banals, vraiment dignes de cette ville insignifiante qui ont mis en mouvement son amour et sont devenus la source dénergie où elle sabreuvera jusquà la fin. Notre vie quotidienne est bombardée de hasards, plus exactement de rencontres fortuites entre les gens et les événements, ce quon appelle des coïncidences. Il y a coincidence quand deux événements inattendus se produisent en même temps, quand ils se rencontrent : Tomas apparaît dans le restaurant au moment où la radio joue du Beethoven. Dans leur immense majorité, ces coïncidences-là passent complètement inaperçues. Si le boucher du coin était venu sasseoir à une table du restaurant à la place de Tomas, Tereza naurait pas remarqué que la radio jouait du Beethoven bien que la rencontre de Beethoven et dun boucher soit aussi une curieuse coïncidence. Mais lamour naissant a aiguisé en elle le sens de la beauté et elle noubliera jamais cette musique. Chaque fois quelle lentendra, elle sera émue. Tout ce qui se passera autour delle en cet instant sera nimbé de léclat de cette musique, et sera beau. Au début du gros livre que Tereza tenait sous le bras le jour où elle était venue chez Tomas, Anna rencontre Vronsky en détranges circonstances. Ils sont sur le quai dune gare où quelquun vient de tomber sous un train. A la Les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs. Weve noticed some unusual traffic coming from your network. You are being blocked milan kundera une rencontre download Tous droits réservés Spirale magazine culturel inc, 2005 été tout à fait inutiles et quil sétait privé de dizaines de femmes à cause dun malentendu! Après son cours de laprès-midi, il alla directement chez Sabina depuis luniversité. Il comptait lui demander de le laisser passer la nuit chez elle. Il sonna, personne nouvrit. Il alla attendre au café den face, les yeux braqués sur lentrée de limmeuble. Les heures passaient et il ne savait que faire. Toute sa vie, il avait dormi dans le même lit que Marie-Claude. Sil retournait chez lui maintenant, fallait-il sétendre à côté delle comme avant? Certes, il pourrait faire son lit sur le divan de la pièce voisine. Mais ne serait-ce pas un geste un peu trop ostentatoire? Ne pourrait-on y voir une manifestation dhostilité? Il voulait rester ami avec sa femme! Mais aller dormir auprès delle, ce nétait pas possible non plus. Il entendait déjà ses questions ironiques : Comment? Il ne préférait pas le lit de Sabina? Il opta pour une chambre dhôtel. Le lendemain, il retourna sonner toute la journée à la porte de Sabina. Toujours en vain. Le surlendemain, il alla trouver la concierge de limmeuble où se trouvait latelier de Sabina. Elle ne savait rien et le renvoya à la propriétaire qui louait latelier. Il téléphona et apprit que Sabina avait donné congé lavantveille en réglant le loyer des trois mois suivants, comme il était prévu dans le bail. Pendant plusieurs jours, il essaya encore de surprendre Sabina chez elle, jusquà ce quil trouve lappartement ouvert et à lintérieur trois hommes en bleus qui enlevaient les meubles et les toiles pour les charger dans un grand camion de déménagement garé devant la maison. Il leur demanda où ils allaient transporter les meubles. Ils répondirent quil leur était formellement interdit de communiquer ladresse. Critiques 25, citations 80, extraits de La Valse aux adieux de Milan Kundera. Avec lannée nouvelle viennent les bonnes résolutions! Deux ans sur.. Marie-Claude hocha la tête et annonça de sa voix claironnante : Mais pas du tout! Non, non et non, tu ny es pas du tout! Stendhal est un auteur nocturne! Franz suivait de très loin le débat sur lart nocturne et diurne, ne songeant quau moment où Sabina ferait son entrée. Ils avaient tous les deux réfléchi pendant plusieurs jours pour savoir si elle devait ou non accepter linvitation à ce cocktail que Marie-Claude donnait en lhonneur de tous les peintres et sculpteurs qui avaient exposé dans sa galerie privée. Depuis quelle avait fait la connaissance de Franz, Sabina évitait sa femme. Mais, redoutant de se trahir, elle décida finalement quil serait plus naturel et moins suspect de venir. Comme il jetait des regards furtifs en direction de lentrée, il saperçut quà lautre bout du salon pérorait, infatigablement, la voix de Marie-Anne, sa fille de dix-huit ans. Il quitta le groupe où officiait sa femme pour le cercle où régnait sa fille. Il y avait quelquun assis dans un fauteuil, les autres étaient debout, Marie-Anne était assise par terre Franz était certain que Marie-Claude, à lextrémité opposée du salon, allait bientôt sasseoir à son tour sur le tapis. A cette époque, sasseoir par terre devant ses invités était un geste qui signifiait quon était naturel, détendu, progressiste, sociable et parisien. Marie-Claude mettait tant de passion à sasseoir par terre en tous lieux que Franz redoutait souvent de la trouver assise par terre dans la boutique où elle allait sacheter ses cigarettes. A quoi travaillez-vous, Alan, en ce moment? demanda Marie-Anne à lhomme au pied duquel elle était assise. Alan, garçon naïf et honnête, voulut répondre sincèrement à la fille de la propriétaire de la galerie. Il commença par lui expliquer sa nouvelle manière de peindre qui combinait la photo et la peinture à lhuile. Il avait à peine miroir, du même long regard interrogateur posé tantôt sur elle, tantôt sur lui. Par terre, au pied du miroir, il y avait une tête postiche coiffée dun vieux chapeau melon. Elle se pencha pour le prendre et se le planta sur la tête. Aussitôt, limage changea dans le miroir : on y voyait une femme en sousvêtements, belle, inaccessible, froide, la tête surmontée dun chapeau melon tout à fait incongru. Elle tenait par la main un monsieur en costume gris et en cravate. Une fois de plus, il sétonna de comprendre aussi mal sa maîtresse. Elle ne sétait pas déshabillée pour le convier à lamour, mais pour lui jouer une farce bizarre, un happening intime pour eux deux seulement. Il sourit, compréhensif et consentant. Il pensait quelle allait lui sourire à son tour, mais son attente fut déçue. Elle ne lâchait pas sa main et son regard allait de lun à lautre dans le miroir. La durée du happening dépassait les bornes. Franz trouvait que cette farce charmante certes, il voulait bien ladmettre se prolongeait un peu trop. Il prit délicatement le chapeau melon entre deux doigts, lenleva en souriant de la tête de Sabina et le remit sur le socle. Cétait comme de gommer les moustaches dessinées par un gosse espiègle sur limage de la Vierge Marie. Elle resta encore immobile pendant quelques secondes à se contempler dans le miroir. Puis Franz la couvrit de tendres baisers. Il lui demanda encore une fois de laccompagner dans une dizaine de jours à Palerme. Cette fois, elle promit sans détour, et il partit. Sa bonne humeur était revenue. Genève, quil avait maudite toute sa vie comme la métropole de lennui, lui semblait belle et pleine daventures. Il se retourna, les yeux levés vers la baie vitrée de latelier. Cétaient les dernières semaines du printemps, il faisait chaud, toutes les fenêtres Facebook : https:fr-fr.facebook.comfranceculture L Ignoranceest écrit en français en 2000 et paru en France en 2003. Traduit en plusieurs langues, LIgnorance a déjà connu un succès hors de lHexagone. Renouant avec le roman à multiples facettes, à multiples entrées, il sappuie sur le déracinement et lexil, imprégné des fragrances subtiles de la Bohême. Entre mélancolie et vin doux. Avec des personnages qui vont, viennent, sefforcent daccoster quelque part Irena, veuve et mère à la fois, réfugiée à Paris à la fin des années soixante, et de retour à Prague vingt ans après ; son ami Gustaf, entrepreneur suédois ; Milada, vieille complice denfance ; Josef, également de retour en Bohême, dans une Tchéquie post-révolutionnaire et post-communiste. Des émigrés sans patrie, arrimés à leur passé qui sest malgré tout échappé, des individus ordinaires chargés du poids lourd de leur existence, mutilés et blessés dans leur chair. Les destins se croisent, se manquent, se cognent. .